Perspectives économiques en période d’incertitude
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Une vision à plus long terme aide à surmonter le chaos actuel
Les économistes ont du mal aujourd’hui. Les modèles qu’ils utilisent pour comprendre le monde sont contradictoires. Ces modèles sont au meilleur de leur forme lorsqu’un consensus fort prévaut. Quelques exemples : les entreprises structurellement rentables méritent une valorisation boursière élevée, les obligations d’État des pays très endettés ont une prime de risque plus élevée et le libre-échange international devient une priorité pour tout le monde.
Aujourd’hui, ces règles du jeu sont réécrites, dans un état proche de la folie. Ou, plus précisément : après avoir été évacuées vers la poubelle et dans l’attente de nouvelles directives, les versions brouillons pullulent.
Et c’est un problème. L’économie aide les acteurs-entreprises, ménages, pays – à se coordonner, à s’aligner, à collaborer. Les règles du jeu sont cruciales. Elles nous permettent de parler la même langue. Lorsqu’une confusion apparaît, par exemple parce qu’un acteur fort décide que les déficits publics (et donc les dettes) n’ont pas d’importance ou que les conventions commerciales sont nulles, tout le monde en souffre.
Aujourd’hui, nous retrouvons clairement cette confusion dans le désaccord entre les économistes lorsqu’ils établissent leurs prévisions de croissance. Ces prévisions alimentent les plans d’investissement et d’économie des entreprises et des ménages. Elles influencent donc la vie de chacun.
Une analyse basée sur les chiffres de l’agrégateur prévisionnel Focus-Economics montre à quel point ce désaccord est aujourd’hui important pour la croissance belge. Le graphique ci-dessous illustre la différence moyenne entre les prévisions présentées par les différents membres du panel, comme les banques et les groupes de réflexion, pour les années mentionnées sur l’axe horizontal.

Pour les années 2013-2022, ce désaccord oscillait entre 0,1 % et 0,3 %, ce qui représente de petites différences dans l’ensemble, la croissance belge s’élevant en moyenne à environ 1,5 % durant cette période. Les pics en 2025 et 2026 sont nettement supérieurs, respectivement de près de 0,8 % et de plus de 0,5 %*. Prévoir la croissance économique à seulement quelques trimestres est toujours difficile, et ça l’est d’autant plus aujourd’hui.
Est-il donc préférable que l’économie prédictive passe désormais vers la banque de réserve ?
Le flux quotidien de bulles politiques – souvent opposées – qui nous parviennent depuis le Bureau Oval est épuisant. Et pas seulement pour les journalistes et les analystes financiers.
Allons plus loin. Selon nous, à quoi ressemblera le monde dans 10 ans ? Que voulons-nous changer ? Et quelles mesures devons-nous donc prendre dès maintenant ?
C’est dans cet exercice d’anticipation de scénarios que l’économiste a une valeur ajoutée importante. Pas en fournissant une estimation mensuelle ponctuelle de la croissance du PIB, souvent dépassée dès la publication, mais en contribuant à éclairer les différentes voies qui s’ouvrent à nous aujourd’hui et les considérations qu’elles impliquent.
Il est temps d'y travailler.
Le nouveau livre d’Arne Maes, « 2034, un récit - Voyage dans le temps pour les penseurs et les acteurs », sera disponible dès le 13 mai.
* La valeur élevée en 2023 est également frappante à première vue. Ces prévisions ont été lancées entre les confinements liés à la Covid, avec une grande incertitude quant à l’efficacité et au calendrier de la disponibilité des vaccins.
