L'or : un marché stratégique et mystérieux

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L’appréciation du cours de l’or depuis plusieurs années s’explique en partie par les politiques des banques centrales qui souhaitent diversifier leurs réserves. Néanmoins, le marché de l’or conserve sa part de mystère et d’opacité. Comprendre, analyser et prédire l’évolution de la demande d’or est un vrai casse-tête pour les analystes.

Les mystères de l’or

La flambée du cours de l’or n’aura échappé à personne. Ces derniers temps, le métal jaune s’est imposé comme l’un des placements les plus rentables pour les investisseurs. Les facteurs qui expliquent cette performance remarquable sont multiples. Levons un coin du voile sur ce marché très particulier.

Pourquoi le cours de l’or monte-t-il?

Pour comprendre l’appréciation du cours de l’or, il faut d’abord regarder du côté des banques centrales, notamment en Chine, en Turquie, en Inde, en Russie, dans les pays d’Asie et du Moyen-Orient. Depuis 2022, celles-ci achètent de l’or pour trois raisons :

  • Réduire leur dépendance au dollar américain
  • Sécuriser leurs réserves en période d’incertitude
  • Se protéger contre les sanctions internationales

Ces achats massifs créent une demande structurelle très forte, qui pousse les prix à la hausse. Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est qu’il règne un certain mystère autour des quantités réellement achetées par les banques centrales, ce qui fait de l’or une matière première à part.

L’or pour réduire l’exposition au dollar

Parmi les raisons qui expliquent cette demande plus soutenue pour l’or, on peut citer le contexte géopolitique, le désir de s’éloigner du dollar américain – surtout depuis la réélection de Donald Trump à la Maison Blanche –, le retour de l’inflation ou encore le plongeon dans un monde où les taux d’intérêt réels sont très bas. Ce phénomène de taux d’intérêt réels (taux d’intérêt moins l’inflation) historiquement faibles, voire négatifs, a pour effet de réduire considérablement le « coût d’opportunité » de la détention d’or en portefeuille. Le principal argument contre les placements en or se résume souvent à l’idée que celui-ci « ne rapporte rien ».

Le contexte géopolitique et les crises récentes ont bien entendu contribué au regain d’attrait pour l’or, valeur-refuge par définition. Il faut également y ajouter la demande en forte progression venue de Chine et d’Inde.

À ce sujet, un point mérite notre attention car l’opacité des quantités achetées par les banques centrales rend ce marché difficile à appréhender. Le World Gold Council a récemment expliqué que les achats d'or non déclarés de la Chine pourraient être plus de 10 fois supérieurs aux chiffres officiels. Les achats publiés par la banque centrale chinoise ont été si faibles cette année – 1,9 tonne achetée en août, 1,9 tonne en juillet et 2,2 tonnes en juin – que peu de gens sur le marché croient encore aux chiffres officiels.

Des réserves d’or sous-estimées

Contrairement au pétrole, que l’on peut suivre avec des satellites, il est impossible de retracer le chemin parcouru par l’or. Où va l’or ? Qui l’achète ? Mystère. Tout ce que l’on sait c’est que la Chine souhaite réduire son exposition au dollar et qu’elle renforce ses réserves en or, mais on ignore à quel rythme. On estime que les réserves actuelles d'or de la Chine devraient osciller autour des 5.000 tonnes, soit le double du niveau publié officiellement. Au cours de la dernière décennie, la part de l'or dans les réserves mondiales en dehors des États-Unis est passée de 10% à 26%, selon les données du World Gold Council. Le métal jaune est ainsi devenu le deuxième actif de réserve le plus important, derrière le dollar. Pourtant, la part des achats d’or signalés au FMI, l’organisme qui collecte ces données sur une base volontaire, fond comme neige au soleil. Au cours du dernier trimestre, seulement environ un tiers des achats officiels ont été déclarés publiquement, selon les estimations du WGC basées sur les données de Metals Focus. À titre de comparaison : il y a 4 ans, encore environ 90% des achats d’or étaient officiellement déclarés.

Pourquoi tant de discrétion ? Les banques centrales peuvent choisir de ne pas déclarer leur activité sur l'or pour éviter de devancer le marché, ou pour des raisons politiques. Certains banquiers centraux craignent en effet que l'achat public de lingots, qui constituent souvent une couverture contre le dollar, n'aggrave les relations avec l'administration Trump. Par le passé, le Royaume-Uni a fait les frais de sa transparence en annonçant son intention de vendre la moitié de ses réserves d'or, ce qui avait provoqué une baisse des prix qui s’est avérée très dommageable.

La Chine : un acteur central du marché mondial de l’or

De son côté, la Chine est le plus grand consommateur d'or au monde, mais aussi l'un des moins transparents. Les analystes doivent dès lors calculer leurs propres chiffres sur la base de données d'importation, de suppositions et de conseils. Par ailleurs, la Chine est également le plus grand mineur d'or du monde, représentant environ 10% de la production mondiale. Ceci signifie que la banque centrale chinoise peut acheter des lingots d'investissement sur son marché intérieur pour composer ses propres réserves. 

Cette analyse illustre la difficulté des pronostics sur l’évolution future du prix de l’or : on peut avoir une vue sur l’offre, mais c’est plus compliqué pour la demande.
 
Certains marchés ont leur part de mystère, même les plus classiques. À méditer !