IA et travail : au boulot, les jeunes !
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L’IA modifie le marché du travail. Une pénurie de jeunes travailleurs aujourd’hui pourrait mener à un déficit de profils expérimentés à l’avenir.
Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie.
(Arthur C. Clarke)
Tel est précisément le problème des chatbots contemporains. Leurs performances peuvent souvent approcher, voire dépasser, le potentiel de l’intelligence humaine. Mais ils peuvent tout aussi souvent aller droit dans le mur, sans que l’on sache vraiment pourquoi.
Ils ne sont sans doute pas les assistants les plus fiables, mais ils restent toujours disponibles et prêts à alléger votre charge de travail. Ça vous rappelle vaguement quelqu’un ? Bien sûr : sur le marché de travail, ce type de ressource s’appelait jusque récemment des stagiaires ou des juniors.
Où sont donc passés les juniors ?
Le mois dernier, un article de NBER intitulé « Comment les gens utilisent ChatGPT » contenait une grande quantité de données sur l’une des applications technologiques qui affiche le taux de croissance le plus rapide du moment.
Quelques enseignements : l’utilisation, mesurée par le nombre de prompts quotidiens, augmente dans tous les groupes, qu’il s’agisse d’utilisateurs confirmés ou débutants. L’usage non professionnel est aussi de plus en plus courant. D’après les auteurs, l’usage de l’IA à des fins professionnelles est surtout répandu auprès d’un public diplômé occupant des fonctions très rémunératrices. Dans cette catégorie, l’usage le plus fréquent concerne des tâches rédactionnelles. « Chère jeune recrue, écris-moi un projet de mémo » est désormais devenu un prompt de chatbot.

En réalité, les textes générés par l’IA (ou plutôt la « rédaction assistée par IA ») se répandent de plus en plus dans un large éventail de domaines liés à l’écriture. Les communiqués de presse d’entreprises ou d’autorités publiques, par exemple, tout comme les offres d’emploi, montrent tous des signes évidents de langage bot.
Qu’ont-ils en commun ? Le titre principal compte, le corps du texte beaucoup moins. Néanmoins, les lecteurs s’attendent à un corps de texte. Donc il en faut un. Se plier aux contraintes d’un format qui a fait ses preuves reste un travail fastidieux. Le contenu ? C’est le type de texte que personne ne veut écrire… et que probablement personne ne lira.
Alors bon débarras ! Mais subsiste-t-il une valeur cachée derrière l’exécution de ces tâches par des humains ?
Les juniors d’aujourd’hui seront les seniors de demain
Une étude à grande échelle des offres d’emploi aux USA montre une tendance alarmiste qui s’est généralisée depuis l’émergence de ChatGPT. En se concentrant sur les entreprises qui ont adopté l’IA, les chercheurs ont conclu que le nombre d’employés juniors plafonne, alors que toujours plus de profils seniors y sont engagés.
Les auteurs ont identifié un schéma en forme de U : les diplômés d’institutions de niveau intermédiaire sont les premiers touchés, tandis que ceux des écoles du haut ou du bas de l’échelle ont connu des baisses moins marquées. En outre, ils ont découvert que le déclin de profils juniors recrutés dans des entreprises qui ont adopté l’IA ne se limite pas au domaine des technologies de l’information, mais est généralisé.

Réfléchir à court terme pourrait encourager certaines entreprises à réduire leur personnel junior, sans doute en pariant sur leur capacité à débaucher des profils seniors externes. Néanmoins, sur le long terme, ce phénomène fait peser une menace réelle sur l’économie dans son ensemble. Les économistes appellent ce phénomène un « problème d’externalité négative ». La solution – baptisée « taxe pigouvienne » – est bien connue. Mais ne vous attendez pas à ce qu’elle soit mise en application de sitôt.
