Cryptomonnaies : un terme aux multiples sens (partie 1)
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La semaine du 14 au 18 juillet a été surnommée « Crypto Week » aux États-Unis : 3 propositions législatives ont été examinées par la Chambre des délégués pour enfin doter le monde des cryptomonnaies d’un cadre juridique. L’accent a été mis sur la loi GENIUS (Guiding and Establishing National Innovation for US Stablecoins). Celle-ci impose des règles strictes aux émetteurs de stablecoins – des devises numériques qui sont liées individuellement à des devises souveraines, le dollar américain dans 99% des cas aujourd’hui. En outre, le Clarity Act (plus de clarté pour les autres crypto-actifs) et l’Anti-CBDC Surveillance Act, qui interdit l’émission d’un dollar numérique, ont également été adoptés. À ce sujet, le Sénat doit encore se prononcer. La loi GENIUS y a déjà été approuvée et signée par le président.
Bitcoin
La plus connue des cryptomonnaies reste sans aucun doute le bitcoin, souvent décrit comme l’or numérique. Sur le plan fonctionnel, vous pouvez l’utiliser pour payer : j’achète un bien ou un service et je vous paie en bitcoin, enregistré sur la blockchain. Aussi simple qu’un coffre-fort numérique, sécurisé et anonyme, mais avec des possibilités limitées. Et selon certains, sans valeur fonctionnelle.
Vraiment ? L’anonymat rend le bitcoin particulièrement intéressant pour l’économie souterraine. Kenneth Rogoff, professeur à Harvard et ancien économiste en chef du FMI, écrit dans Our Dollar, Your Problem : « Le bitcoin a peut-être peu de valeur légitime dans les transactions régulières […] Mais s’il est effectivement largement utilisé pour favoriser le commerce dans l’économie souterraine, on ne peut pas dire qu’il s’agit d’une activité purement spéculative. »
En 2021, la Banque mondiale a estimé l’ampleur de l’économie souterraine à 17% du PIB dans les pays développés et à 32% dans les pays émergents. En Europe, selon Rogoff, elle varie de 6% en Suède à 36% en Grèce. Pas négligeable, donc.
Quiconque détient des bitcoins sur la blockchain agit comme un épargnant qui garderait quelques billets sous le matelas. Ceux qui les détiennent via une plateforme d’échange font confiance à une sorte de banque. Cependant, ces plateformes ne sont pas toujours aussi strictement réglementées que les banques, où les autorités fiscales ou la justice peuvent facilement détecter les transactions. Cela rend les bitcoins et autres cryptomonnaies intéressants pour les paiements dans l’économie souterraine. Tant que les gouvernements peinent à suivre efficacement les transactions, le bitcoin conserve sa valeur « fondamentale ». Mais le jour venu, sa valeur pourrait s’effondrer, selon Rogoff.
Plateformes Ethereum et open source
Après le bitcoin, l’ethereum est la deuxième cryptomonnaie la plus importante du moment. C’est même plus qu’une monnaie : il s’agit d’un écosystème de programmation sur lequel fonctionnent des contrats intelligents et des applications décentralisées. Un peu comme une infrastructure numérique mondiale sur laquelle les développeurs peuvent s’appuyer. L’ether, la devise, est le moyen de paiement au sein de cet écosystème. Plus la demande d’applications augmente, plus la demande d’éther croît. Et tout comme pour le Bitcoin, l’intérêt des spéculateurs pour l’ethereum suit la même courbe ascendante.
Entre-temps, on compte de nombreux concurrents : Cardano, Solana, Binance Smart Chain… Chacun essaie de marquer des points en termes de vitesse, de réduction des coûts ou d’évolutivité. Il s’agit d’une course technologique qui n’a rien à envier aux premiers pas d’Internet.
La hype des monnaies mème
Et puis il y a les monnaies mèmes, le wild west des cryptos. Leur valeur ajoutée ? Aucune. Leur attrait ? La hype.
Prenez $Trump, lancé pour célébrer le leadership de Trump et le slogan « Fight, fight, fight ». La devise a atteint un pic à 75 dollars, ce qui représente un bénéfice d’au moins 350 millions de dollars pour les émetteurs (famille de…). Aujourd’hui, elle cote aux alentours de 8 dollars. En avril, le cours a encore doublé lorsque les organisateurs ont annoncé que Trump inviterait les 220 plus grands détenteurs à un dîner de gala, avec une réception VIP pour le top 25. Quelques jours plus tard, des pièces $Trump supplémentaires seraient lancées sur le marché. Et ce n’est pas une blague.
Autres classiques : Dogecoin (avec le chien Shiba Inu), Pepe (la grenouille du mème Internet) et, oui, Fartcoin (le nom en dit long). Comme aux chaises musicales, le dernier à s’asseoir reste avec un tas de pièces sans valeur sur les bras.
Les sociétés de trésorerie Bitcoin
Une autre niche curieuse : les sociétés de trésorerie bitcoin. Leur modèle : retirer de l’argent frais par le biais de la dette ou d’actions, et ce, intégralement dans des « cryptopompes ». Il s’agit en fait de fonds à effet de levier dont l’unique stratégie est concentrée autour du bitcoin.
MicroStrategy – désormais appelé Strategy – en a été le pionnier. Son PDG Michael Saylor a décidé un jour de convertir toutes les liquidités de l’entreprise en bitcoins et autres cryptomonnaies. Résultat : un cours de Bourse multiplié par 20 depuis 2020. Aujourd’hui, près de 160 entreprises suivent cet exemple. Capitalisation boursière : plus de 100 milliards de dollars. Ces dernières semaines, les actions de ces collecteurs de bitcoins se sont effondrées après l’essoufflement de la hype.
Stablecoins stables
Enfin, les stablecoins – les stars du show et les grandes promesses de la loi GENIUS. Elles sont émises par des sociétés privées et entièrement couvertes par des actifs liquides, souvent des obligations d’État américaines ou des liquidités. Leur valeur reste stable par rapport au dollar ou à une autre référence, parfois même l’or.
L'idée : combiner les avantages des cryptomonnaies (rapides, mondiales, 24/7) avec la stabilité des devises traditionnelles. Plus besoin d’ouvrir des comptes bancaires étrangers pour transférer de l’argent à l’international – vous envoyez simplement des stablecoins de votre portefeuille vers celui de quelqu’un d’autre.
Dans la pratique, beaucoup d’opérations transitent via des plateformes d’échanges telles que Coinbase ou Binance, ou des applications comme PayPal USD. Le « paiement » n’est bien souvent qu’une mise à jour du solde dans leur système sans transaction blockchain, comme dans une banque ordinaire. La différence entre la blockchain et la feuille de calcul d’une fintech devient alors très faible.
Et maintenant ?
Les stablecoins ont le vent en poupe. Mais les questions s’accumulent : pourquoi les entreprises les émettraient-elles, dans quelle mesure sont-elles vraiment sûres et menacent-elles de saper le modèle bancaire ? Pourraient-elles aller jusqu’à remplacer les devises souveraines ? Nous y reviendrons dans nos prochains articles.

