Menacer les banques centrales coûte cher
5 min
Les banques centrales sont sous pression
Trump attaque et le Congrès se tait. Quel impact sur l’économie ? La Fed pourra-t-elle encore opérer de manière indépendante ? Dans cette nouvelle vidéo, le Chief Economist Koen De Leus explique en 4 minutes comment ces tensions politiques peuvent faire trembler les marchés financiers.
La stabilité des prix. Le concept peut paraître ennuyeux. C’est néanmoins le carburant de l’économie. Sans prix stables, le pouvoir d’achat s'évapore, avec un effet immédiat sur votre caddie. Mais pour maintenir cette stabilité, la Fed doit parfois fermer le bar, juste au moment où la fête allait commencer. Des taux d'intérêt plus élevés, une demande en berne, plus de chômage. Rien qui puisse vous aider à gagner des élections. C'est pourquoi cette tâche a été confiée aux banquiers centraux. Eux n'ont pas besoin de récolter des voix.
Cependant, ils ne peuvent mener à bien cette tâche que si deux conditions sont remplies : l'indépendance politique dans leur processus de décision à court terme, et le soutien politique à long terme. Aujourd'hui, nous faisons face à la situation inverse : des attaques incessantes de la part de Trump et un silence assourdissant du Congrès.
Mr. Too Late
Que les présidents appellent à une baisse des taux d'intérêt n'est pas nouveau. Les attaques personnelles incessantes de Trump contre Powell, qui se voit affubler de surnoms tels que « crétin », « loser» et « Mr. Too Late », sont en revanche inédites. De plus, Trump tente de remplacer les administrateurs de la Fed par des proches. La gouverneure de la Fed, Lisa Cook, est autorisée à rester en poste pour le moment, grâce à une décision d'un juge d'appel, après avoir été licenciée par Trump pour fraude hypothécaire présumée. La Cour suprême américaine - où Trump a nommé une majorité de juges - aura probablement le dernier mot dans cette affaire.
Powell se sait dans le viseur. Lors de la grand messe des banquiers centraux à Jackson Hole, il a estimé que le risque de chômage était plus élevé que celui de l’inflation. Un revirement de 180° par rapport au mois dernier. Avec cette quasi-annonce d'une baisse des taux d'intérêt - qui est maintenant une réalité - il a tenté de faire retomber la pression. Suite aux chiffres décevants de l'emploi publiés plus tard au cours du même mois, nous prévoyons désormais deux baisses de taux supplémentaires cette année et deux l'année prochaine. D'ici la fin 2026, le taux d'intérêt devrait ainsi atteindre 3,25 pour cent.
Choc inflationniste
Ces stimuli importants ne sont pas dénués de risque. Car en même temps, la politique migratoire ferme a déjà fait disparaître 1,2 million de travailleurs du marché de l’emploi. Ajoutez à cela les tarifs douaniers sur les importations imposés par Trump - qui, selon BNP Paribas, feront augmenter les prix à la consommation d'environ 3,5 pour cent - et des taux d'intérêt bas et vous obtiendrez la recette parfaite d’un choc inflationniste.
Et pourtant... les marchés demeurent indifférents à ces signaux. Le taux d'intérêt à 30 ans atteint un sommet, mais ceux à 2 et 10 ans restent stables. Comme si les investisseurs pensaient : « Bah, Powell tiendra bon. » Mais que se passera-t-il si Trump parvient vraiment à mettre la main sur la Fed ? Dans ce cas, des attentes d'inflation plus élevées et des taux d'intérêt plus hauts seront justifiés. Le dollar risque également d’en prendre un coup.
Pourquoi les marchés ne réagissent-ils par plus fortement ? Parce que se protéger contre les risques coûte cher pour les investisseurs professionnels. Celui qui anticipe aujourd'hui et se trompe se retrouvera à la traîne demain. Alors, ils reportent leur décision. Jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus ignorer le risque. A ce moment-là, tout le monde se précipitera vers la sortie en même temps. Et ce sera le chaos. Pour les entreprises, d'autres critères s'appliquent. La comparaison avec les concurrents est moins pertinente. L'évolution du dollar et des taux d'intérêt sont des facteurs-clés pour l’activité économique. Lorsque les nuages se font plus menaçants, il est préférable d'acheter un parapluie pour se protéger de la tempête à venir. Et avec Trump aux commandes pendant encore trois ans, une nouvelle menace peut surgir à tout instant.
