La Belgique est extrêmement vulnérable face à la hausse du coût du vieillissement de sa population
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La Belgique est au bord d’une implosion financière silencieuse. Pour les observateurs attentifs, cela ne fait pratiquement aucun doute. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : s’agissant du coût du vieillissement de sa population, la Belgique est le troisième pays le plus vulnérable des 18 nations les plus industrialisées. D’ailleurs, les signaux d’alerte ne manquent pas : l’abaissement de la note belge par l’agence de notation Fitch constitue en effet un sérieux coup de semonce. Et le politique doit suivre.
Les chiffres ne mentent pas
Alors que la plupart des pays européens ont réformé leur système de pensions et constitué des réserves, la Belgique a courageusement opté pour le… statu quo. Pas de choix contraignants ni de risques électoraux. Entre-temps, notre taux de dépendance – c’est-à-dire le rapport entre les non-actifs et les actifs – ne cesse de croître. À l’horizon 2050, il y aura moins d’un actif pour un inactif (jeunes et retraités). Ce n’est plus de la solidarité. C’est la négation de soi.
Cependant, le véritable drame concerne la balance de l’État. La dette publique belge figure désormais parmi les plus élevées des pays industrialisés. Selon le FMI, elle risque même d’augmenter le plus rapidement d’ici 2030, passant de 106% à 126% du PIB, ce qui accentuerait le coût du vieillissement. Les dépenses supplémentaires en matière de pensions et, principalement, de soins de santé, devraient alourdir l’encours de la dette de 86 points de pourcentage du PIB sur les 25 prochaines années. Seuls l’Espagne et les États-Unis font pire.
La récente dégradation de la note de la Belgique par Fitch n’est pas une surprise. Notre pays est sanctionné pour la politique qu’il mène depuis de nombreuses années, consistant à différer, occulter et déplacer les problèmes. Le taux d’endettement et le taux d’intérêt augmentent et, soudainement, la confiance du marché s’effondre. Force est de constater que, en ce qui concerne le rating de la Belgique, les perspectives des agences de notation Standard & Poor’s et Moody’s sont négatives.
Le problème n’est pas le vieillissement de la population. Tous les pays connaissent ce phénomène. Le problème est que nous avons tendance à considérer le vieillissement comme une catastrophe naturelle face à laquelle nous sommes impuissants. Mais le vieillissement n’est pas une « submersion ». Il s’agit d’un parcours socio-économique prévisible et, par conséquent, d’un choix éminemment politique.
Notre indice de vulnérabilité au vieillissement montre que les pays qui s’en sortent le mieux sont les pays anglo-saxons et scandinaves. Dans ces deux zones, la part des pensions publiques dans le revenu de retraites moyen total est nettement inférieure aux 86 % de la Belgique. Le développement de plans de pensions professionnelles (deuxième pilier) permet d’éviter que le financement du nombre croissant de retraités ne repose que sur les épaules de plus en plus fragiles de la population active. Taxer davantage n'est pas une option. Aujourd'hui, nos recettes fiscales figurent parmi les plus élevées de tous les pays industrialisés.
Ce ne sont pas les solutions qui manquent
Il existe cependant un large panel de solutions. Une piste essentielle consiste à lier l’âge de la pension à une espérance de vie qui ne cesse d’augmenter. Depuis l’an 2000, près d’un tiers des pays européens ont adopté cette mesure. La Belgique n’en fait pas partie. Au cours des prochaines décennies, nos dépenses de pension augmenteront en pourcentage du PIB deux fois plus vite que chez nos voisins. Une mesure de justice consiste à aligner proportionnellement l’âge légal de la pension sur l’espérance de vie réelle. L’espérance de vie des travailleurs exerçant un métier pénible est inférieure à celle des travailleurs qui effectuent des tâches physiquement moins éprouvantes.
Atteindre un taux d’emploi de 80 % est en outre une nécessité absolue. C’est d’ailleurs un des objectifs de l’accord de gouvernement 2025-2029. Ce projet suppose cependant la création de près de 500 000 emplois en 4 ans, ce qui est extrêmement optimiste lorsque l’on sait que la création d’emplois sur une telle période créés depuis 2000, même en période de haute conjoncture, oscillait à peine entre 250 000 et 300 000. Le gouvernement fédéral dirigé par Bart De Wever prévoit également un renforcement du deuxième pilier de pension, avec la mise en place d’une contribution patronale d’au moins 3 % du salaire d’ici 2035 au plus tard. Il s’agit d’une initiative des plus louables. Cependant, en envisageant d’appliquer une taxe sur les plus-values à cet effort d’épargne, vous ôtez à chacun l’envie de s’investir pleinement.
Le vieillissement n’est pas une révolution. Il se vit avec sérénité, lentement, et ne fait pas de bruit. Jusqu’à ce que le système implose. À moins que nous n'agissions maintenant. L’immobilisme est également une option. Mais il s’agit du choix le plus coûteux que nous puissions faire.
Koen De Leus
Co-auteur de « Les 5 tendances de la nouvelle économie mondiale » & Chief Economist BNP Paribas Fortis
