- 25-11-2024
Alors que la Banque centrale européenne (BCE) a déjà procédé à 3 baisses de taux et que les marchés attendent la suite avec curiosité, la publication des chiffres relatifs à l’évolution des salaires dans la zone Euro au troisième trimestre vient de jeter un pavé dans la mare. À quoi faut-il s’attendre ?
Senior Economist
La mesure des augmentations salariales de la BCE, son indice des « salaires négociés », est basée sur les conventions collectives conclues après négociations entre les employeurs et les organisations représentant les travailleurs. Il s'agit d'une mesure prospective, qui reflète les augmentations salariales prochainement mises en œuvre. Les salaires négociés couvrent environ les deux tiers de l'économie de la zone euro. Ces derniers ne comprennent pas les primes, les heures supplémentaires et les autres rémunérations individuelles qui ne sont pas liées à la négociation collective.
La publication des chiffres relatifs au troisième trimestre a été marquée par une forte hausse des salaires négociés, qui ont grimpé de 5,4% en glissement annuel, soit une augmentation significative par rapport au second trimestre et aux périodes précédentes. Cet été, la BCE avait déjà souligné l’importance du suivi des salaires dans l’analyse des perspectives d’inflation, en particulier pour la composante des services qui reste trop élevée au vu des objectifs de la politique monétaire en matière d’inflation. La BCE avait aussi rappelé que les perspectives d'une nouvelle désinflation étaient fondées sur l’hypothèse d'une croissance modérée des salaires. Force est de constater qu’on en est loin.
Certes, des hausses de salaire sont une bonne nouvelle pour les ménages, et un excellent moyen de stimuler la demande, ce qui crée plus de croissance. Cependant, la BCE craint que les fortes augmentations de salaires ne contribuent également à alimenter l'inflation, en particulier dans les services où les salaires représentent une part importante des coûts. Les entreprises pourraient en effet tenter de répercuter ces coûts supplémentaires sur les prix, ce qui entraînerait des taux d'inflation plus élevés.
L’inflation des services dans la zone euro demeure élevée, malgré la chute massive des prix de l'énergie et la baisse des prix de nombreux biens. L'inflation des services s'est établie à 4% sur un an, ce qui est nettement plus faible que ce qui a pu être observé au cours des mois précédents mais est toujours supérieur à l'objectif d'inflation de 2% fixé par la BCE.
L'inflation dans les services a commencé à augmenter en 2022 pour atteindre 5,6% à la mi-2023, avant de décélérer quelque peu par la suite. Néanmoins, elle n’est jamais descendue sous la barre des 4%, ce qui représente plus du double des augmentations annuelles moyennes des 10 dernières années. Dans le même temps, l’inflation sous-jacente, qui exclut les aliments, l'énergie, le tabac et l'alcool, a augmenté d'environ 2,7% sur un an depuis avril, ce qui est nettement plus modéré et en ligne avec les attentes de la BCE.
Cette hausse des salaires négociés se traduira par des augmentations salariales réelles significatives dans les prochains mois et l'année prochaine, ce qui alimentera davantage l'inflation des services, déjà élevée. Dans un tel contexte, les gouverneurs de la BCE vont avoir du travail pour trouver un rythme sur la poursuite des baisses de taux dans la zone euro. Les marchés financiers suivent cette situation avec grand intérêt car les enjeux sont gigantesques.
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