- 26/5/2025
En imposant des tarifs commerciaux élevés, Trump montre une fois de plus son mépris pour le système de libre-échange basé sur des règles de l’après-guerre. L’objectif est clair : tirer le meilleur parti de la domination américaine en matière de défense, de commerce et de technologie. Dans la politique baptisée « America First », le droit du plus fort s’applique. Mais si d’autres pays collaborent, cela se traduit par un « America Alone ».
Chief Economist
Au début, la politique américaine - de Trump à Biden - semblait surtout axée sur le maintien de l’hégémonie par rapport à la Chine. L’escalade vis-à-vis de la Chine montre que l’Empire du Milieu est toujours l’ennemi numéro 1. Toutefois, l’imposition uniforme d’un taux commercial minimum de 10% - dans 3 mois, nous verrons s’il s’agit du taux final – montre cependant que les États-Unis visent également tous les autres pays.
La réalité : les États-Unis ne cherchent plus d'alliés. Il est même douteux qu'ils misent réellement sur la réindustrialisation. Pourquoi alors les attaques soudaines contre les universités américaines ? Pourquoi la suppression des subventions pour les technologies propres, qui attiraient justement les producteurs ? Déplacer un processus de production, comme celui des chaussures de sport au Vietnam, vers les États-Unis prend des années – et reste probablement plus coûteux, même avec des tarifs d'importation de 50%.
Le masque est tombé. America First, c’est ça : l’Amérique d’abord. Plus de profits pour l'Amérique, et plus encore : pour l'entourage de la Maison Blanche. Les pays et les entreprises doivent payer pour accéder au marché américain ou bénéficier d’une protection militaire. Et Trump répète sans cesse que les États-Unis ont été désavantagés pendant des décennies par un libre-échange libéral basé sur des règles. Cette façon de penser est contraire à la pensée conservatrice-isolationniste de MAGA (« Make America Great Again »). L’introduction des tarifs les plus élevés depuis les années 30 n’est pas une tactique de négociation, mais le prélude à un nouveau système commercial basé sur la coercition.
Cette diplomatie coercitive ne se limite pas aux tarifs d'importation. Ainsi, Starlink d'Elon Musk est essentiel pour permettre à l'Ukraine de suivre les mouvements des troupes russes. Ce soutien américain a été « monnayé » de 500 milliards de dollars en terres rares. En République démocratique du Congo, un accord a été conclu selon une vraie logique locative : un soutien au gouvernement de Kinshasa en échange d’un meilleur contrôle des ressources critiques. Cela doit soulever des questions chez les anciens alliés : pourront-ils bientôt devenir victimes d'une Amérique qui, par exemple, utilise le système de paiement SWIFT comme arme géopolitique ?
Si Trump cherche vraiment à saper le système commercial multilatéral, alors les tarifs douaniers ne sont pas un moyen de pression, mais le but final. Cela met remet en question l'ère de la mondialisation, qui a également apporté une immense prospérité aux États-Unis. Selon une étude du PIIE (2017), l'expansion du commerce depuis 1950 a rapporté 18.131 dollars supplémentaires par ménage américain moyen. Les pertes nettes d'emplois dues au commerce international (2001-2016) s'élevaient en moyenne à 156.250 par an – soit moins de 1% de tous les licenciements annuels. En Europe, de nombreux ouvriers d'usine ont pu retrouver un emploi grâce aux filets de la sécurité sociale et à la reconversion. Aux États-Unis, l'absence de tels moyens de soutien a conduit la population à de la frustration, à de la polarisation et à une tendance à voir la mondialisation comme responsable de leurs problèmes.
Le libre-échange est-il alors condamné ? Tout dépend de la réaction du reste du monde. Si les pays continuent de se ranger devant la Maison Blanche pour conclure un accord, alors Trump l'emportera. Sa tactique fonctionne, bien que cela se fasse probablement au détriment d'une récession américaine. Le scénario continuera de se répéter, avec à chaque fois un enjeu différent : protection militaire, accès technologique...
Une contre-réaction robuste est difficile. Les États-Unis sont moins dépendants des exportations que d'autres pays. Ce qui aide, c'est une réponse internationale coordonnée pour limiter les dégâts. L’appel téléphonique entre le Premier ministre chinois Li Qiang et la présidente de la Commission Ursula von der Leyen fut positif. Une conversation au cours de laquelle ils ont échangé à propos de stabilité et de prévisibilité dans l'économie mondiale, ainsi que de la redéfinition ordonnée des routes commerciales – sans dumping.
La Chine et l'Europe doivent prendre l'initiative. D'autres régions peuvent se joindre à elles. Il n'y aura pas de consensus sur tout, tout comme il n'y en a jamais eu entre la Chine et les États-Unis. Mais il doit y avoir une clarté sur ce qui est acceptable dans le nouveau paysage commercial. Les dégâts causés par les États-Unis sont considérables. Mais si le reste du monde se présente comme un bloc, l'ordre économique international restera intact – éventuellement sans l'Amérique. Dans ce cas, « America First » signifiera « America Alone ».
Koen De Leus
Co-auteur de « La Nouvelle Economie Mondiale »
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