- 2/3/2025
Du 13 au 19 octobre 2023, j’ai visité l’Inde. Vous pouvez retrouver le compte rendu de ce voyage, enrichi d’observations tirées de toute une série d’études, dans le carnet publié en mars 2024. Vous pouvez télécharger le livret en bas à droite de la page d'accueil de ce blog du Chief Economist. Du 19 avril au 1er juin 2024, l’Inde a tenu ses élections nationales. Quel est l’impact des résultats sur la politique menée ? Je fournis aussi un état des lieux de la situation économique actuelle.
Chief Economist
Le 7 juin 2024, Narendra Modi a prêté serment comme président de l’Inde. Il a alors entamé son troisième mandat, à la tête de la coalition National Democratic Alliance (NDA). Durant les élections de 2014 et de 2019, son Bharatiya Janata Party (BJP), qui représente le gros de la coalition, a joui à chaque fois d’une majorité absolue. Ce n’est désormais plus le cas. Si les sondages d'opinion avaient prédit une victoire écrasante, le BJP a conservé 240 des 543 sièges du Lok Sabha (contre 303 en 2019). Cependant, la coalition NDA garde une majorité de 293 sièges, contre 353 en 2019.
Le BJP dépend donc à présent de partis alliés au sein de la coalition NDA pour faire approuver de nouvelles lois, et il en sera ainsi jusqu’en 2029. Pendant dix ans, le premier ministre Narendra Modi a régné avec une majorité absolue du BJP, mais il n’est pas parvenu à assouplir suffisamment les règles agricoles et à libéraliser l’agriculture, en raison de résistances à la fois internes et externes. Le premier gouvernement Modi (2014-2019) s’est d’abord concentré sur les objectifs les plus faciles à atteindre : introduction d’une taxe unifiée sur les biens et les services, définition d’un objectif en matière d'inflation et libéralisation des investissements directs étrangers. Son second gouvernement n’a réussi à faire passer presque aucune des grandes réformes annoncées, comme la réforme de l’agriculture et les privatisations à grande échelle. De quoi sera fait l’avenir ?
Le parcours de la croissance indienne ne changera sans doute pas beaucoup. Le PIB continuera à croître gaillardement durant les prochaines années. Par le passé, les gouvernements successifs, y compris ceux formés par une coalition, ont pratiqué grosso modo la même politique économique. Les réformes étaient toujours menées à bien de manière progressive et par étapes, même lorsqu'un parti spécifique occupait un majorité forte, comme ce fut le cas de celui de Modi lors de son deuxième mandat. Le paysage politique de l’Inde, avec ses partis régionaux et ses questions locales qui varient d’un état à l’autre, signifie que l’obtention d’un consensus constitue un processus lent et difficile.
Au cours des trimestres passés – jusqu’en septembre 2024, la croissance est restée inférieure aux attentes. Les investissements publics dans des travaux d’infrastructure, un moteur de croissance décisif ces dernières années, n’ont pas été aussi importants qu’escompté. Les dépenses publiques ont surtout pris la forme d’allocations. La perte de la majorité absolue signifie que les partis au pouvoir cherchent maintenant davantage à apaiser leurs électeurs à coup de mesures populistes, comme des transferts de liquidités, des subsides pour le gaz et de l’électricité gratuite. La demande intérieure a déçu, surtout dans les villes. L’inflation dépasse la plage visée de 2 à 6%, en raison des prix de l’alimentation qui restent décidément élevés. Cette situation empêche la Banque centrale indienne de réduire le taux pour stimuler l’économie.
Le principal objectif – et défi – du nouveau gouvernement reste de créer des emplois qui nécessitent suffisamment de main-d’œuvre dans l’industrie. Ceux-ci doivent offrir des perspectives professionnelles au flux incessant de nouveaux venus sur le marché du travail. Il convient également de créer de nouveaux emplois pour les ouvriers qui souhaitent s’extraire du secteur agricole, d’une envergure considérable. Cette réorientation au profit de l’industrie, initiée il y a longtemps, peine à avancer. Durant l’exercice fiscal 2024, ce secteur a réalisé 18% de la valeur ajoutée totale. Un résultat comparable à la moyenne à long terme de 17% et bien inférieur à l'objectif gouvernemental de 25%.
Le parcours économique de l’Inde reste prometteur par rapport au reste du monde. Mais une croissance d’environ 6% est trop faible pour générer suffisamment d’emplois, de demande et de revenus pour la population du pays, jeune et en pleine augmentation. Elle ne suffira pas non plus à préserver l’Inde du fameux piège du revenu intermédiaire. Après la publication des chiffres décevants du deuxième trimestre du FY 2025 (juillet-septembre), Anantha Nageswaran, conseiller économique du premier ministre, a souligné la nécessité de renforcer la dérégulation et d’instaurer davantage de réformes structurelles afin de stimuler la croissance. Tout le monde sait ce qu'il reste à faire. Mais comme dans toute démocratie, il y a toujours la crainte de ne pas être réélu.
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